Ès-tocade

Ès-tocade

Cause toujours… tu m'intéresses !

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« Ecouter est une politesse qu’un homme d’esprit fait souvent à un sot que celui-ci ne lui rend jamais », Ambrose Bierce, Le dictionnaire du Diable

 

Magnifié(e) par votre plus joli pantalon/robe côtelé(e), vous vous rendez à un dîner. Vous vous retrouvez parmi un savant mélange d’amis et d’inconnus. Rompu à l’art de la conversation, vous virevoltez, puis assénez vos questions avec maestria. Vous débutez légitimement par la partie émergée de l’iceberg : le pedigree socio-professionnel de votre interlocuteur.

 

 

 

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Vous récoltez alors moult détails sur le virage majeur qu’opère actuellement Raoul dans le cadre de sa petite vie de financier blindé. Car il ne compte pas faire ça touuuteue sa vie, la cinquantaine ne faisant pas que lui pendre au nez. Il est donc en phase d’élaboration de son dream job, celui qui lui révèlera le sens de sa vie, sa mission sur terre, le rendra meilleur en contribuant au bien-être d’autrui et le spiritualisera  – qu’il croit.

 

Joséphine vous dit à son tour, l’œil rêveur, qu’elle est assistante de direction chez Marc Dorcel. Vraisemblablement coutumière du genre de réactions que provoquent ses déclarations, elle ajoute très vite : mais c’est comme les usines à chocolat, il y a un moment où l’odeur ne vous écœure plus.

 

Et puis… rien, peanuts, nada.

Pas de retour d’ascenseur, personne pour triturer un chouia votre existence et sonder votre bonne étoile.

 

Non mais ça t'arracherait la gueule de t’intéresser un peu aux autres ?!  

 

 

 

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Toi qui traverses la vie sans te soucier de ton prochain, qui n’as ni l’éducation ni l’élégance de te rendre compte que ce que tu racontes peut parfois être super rasoir pour d’autres (ce qui t’amène naturellement à en rajouter des couches), et qui n’as par ailleurs aucunement le réflexe de lui retourner obligeamment ses questions tant tu veux te faire aussi gros que le bœuf, cet article t’est adressé (encore faudrait-il néanmoins que tu t’y reconnaisses ! Et c’est probablement là où le bas blesse héhé).

 

« Qui parle sème, qui écoute, récolte », Georges Perros

 

Crois bien néanmoins que je comprends parfaitement ton problème :

 

 

 

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PRIMO, la personne la plus importante de ta vie, c’est toi, Narcissounet – et quoi de plus naturel ? Alors forcément, diverger de ton ego maousse costaud (probablement parce qu’un peu défaillant) doit te demander des efforts surhumains.

Pourtant, c’est sûrement là que tu fais erreur. Car être toute ouïe permet de puiser chez l’autre une multitude de connaissances aussi palpitantes qu’éclairantes, de celles qui apportent des litres d’eau à notre moulin. Les histoires, perceptions, valeurs d’un/e autre, c’est la possibilité d’ouvrir une boite de pandore insoupçonnée. Et multipliée par le nombre de personnes que l’on prend le temps d’écouter… faiiiisez le calcul et tires-en tes propres conclusions.

 

 

 

 

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SECUNDO, on a essayé de faire entrer dans ta petite cervelle d’enfant le précepte selon lequel questionner les autres serait intrusif, inopportun, frustre, bref, totalement incivil.

Mais quelle tromperie doublée d’une abominable hypocrisie ! Ce type d’argument ne vaut qu’immergés dans un majestueux palais des glaces miroitant les reflets chatoyants de nos masques sociaux, et où il est de bon ton d’escamoter le pire pour ne balbutier que le meilleur. Grandeur, la Fleur à la bouche, mais décadence, derrière l’apparence !

Or, ne sommes-nous pas sur terre pour questionner, débattre, chercher à comprendre, nous seconder et grandir ? Et dans ce cas, plus ne sommes-nous pas de fous, plus n’avançons-nous pas, main dans la main, en en riant ?!

 

 

 

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TERTIO, une petite voix en toi sait que si tu questionnes, il faut pouvoir t’attendre à tout entendre. Embarras s’il en est, lorsqu’on sait que les réponses peuvent parfois être stupéfiantes d’indiscrétion (tu pousses le bouchon un peu trop loin Maurice…). Alors certes, on ne peut pas s’en vouloir de ne pas en avoir toujours les épaules. Parce que les émotions des autres, ça affecte, ça prend aux tripes… mais uniquement tant qu’elles nous rappellent aux nôtres. Car si on parvient à faire la part des choses entre ce qui relève de l’autre et ce qui est nous, on peut alors tout à fait enclencher notre plus belle empathie sans que ses propos éveillent en nous un tsunami !

 

 

 

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QUARTO, tu prétends questionner l’autre dans une grâce toute altruiste mais ne te rends pas compte qu’à peine sa réponse entamée, tu l’interromps pour tirer la couverture à toi en réorientant plus ou moins habilement la conversation sur ta pomme (tu crois qu’on n’a rien remarqué ?!). Ou bien encore, sous couvert d’un échange proactif, tu lui coupes la chique en lui imposant ta vision limitée du sujet abordé (mais ton avis, là, on s’en ouf !).

 

 

 

 

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QUINTO, tu ne te sens pas concerné par les quatre premiers points et oses claironner que tu n’as de cesse de questionner et écouter ton prochain ? En es-tu bien sûr ?! Ne nous illusionnons-nous pas, parfois, en pensant savoir écouter lorsqu’en réalité, nous n’entendons point ? Permets-moi ici d’en citer une illustration cruellement jubilatoire que nous devons à Bernard Werber et sa réflexion :

 

Entre

Ce que je pense

Ce que je veux dire

Ce que je crois dire

Ce que je dis

Ce que vous avez envie d’entendre

Ce que vous croyez entendre

Ce que vous entendez

Ce que vous avez envie de comprendre

Ce que vous croyez comprendre

Ce que vous comprenez

Il y a dix possibilités qu’on ait des difficultés à communiquer.

Mais essayons quand même... 

 

Eh oui, comme il semble laborieux, pour nous, êtres fondamentalement égocentrés et imparfaits, de parvenir à sortir de notre tête, à nous expulser de notre histoire, de nos préjugés, de nos digressions, de notre ego, pour entrer de plain pieds dans les mots de l’autre et nous y enraciner sans nous y refléter ou y projeter notre dissemblance.

 

 

 

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Car si la condition sine qua non de l’écoute, c’est de savoir fermer son clapet, il n’en existe pas moins d’autres tout aussi importantes. Par exemple celle de ne pas juger et de ne pas être tenté de lui prodiguer nos petits conseils étriqués. Ce qui veut dire taire cette petite voix en nous qui se réjouit, en l’écoutant nous exposer sa vie, de le voir se planter aussi magistralement héhé. Et pour écouter sans juger, il faut pouvoir se mettre à la place de l’autre, avec son système de valeur, son mode de raisonnement, sa perception des choses. Pas simple, hein ! Mais lorsqu’on en arrive là, ça dépasse la simple B.A. ! Si ses propos nous abreuvent, ce vase-communicant verbalisation-silence lui permet également de faire son propre cheminement extériorisé, incité par un regard bienveillant, et d’arriver à sa conclusion unique...

 

NB : de toute façon, si écouter consiste à ne pas nécessairement se prononcer à propos de ce qui est relaté, peu importe, finalement, notre manière plus ou moins juste d’interpréter les propos d’autrui !

 

 

 

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SEXTO (il ne s'agit pas ici d'un SMS libertin), les psys prétendent qu’en pratiquant une écoute flottante, ils s’immiscent bien mieux dans les interstices de l’inconscient de leurs patients pour y découvrir les messages cachés qu’un verbiage dénaturé dissimule. Ça te déculpabilise de pratiquer une écoute flottante ? Super, mais toi, t’es psy ?!!

 

 

 

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SEPTUO, tu as bien tout écouté et entendu, dis-tu ? Comment se fait-il, alors, que tu ne te souviennes d’à peu près rien de ce qui s’est dit ? Tu te fous de la gueule de qui ? Où étais-tu vraiment lorsque l’autre te parlait de la prunelle de ses yeux ?

Rappelle-toi donc que dissipation de l’esprit n’a jamais été mère de mémorisation !

Addendum : néanmoins, écouter l’autre lorsqu’on se sent fatigué est certainement la meilleure manière de laisser son ego au vestiaire et ainsi d’offrir une écoute de qualité !

 

 

" Écouter est une attitude du cœur, un désir authentique d’être avec l’autre qui attire et guérit à la fois ", Adrien Decourcelle

 

Tant que tu te regarderas uniquement le nombril, à ce lien, tu échapperas et de l’autre, tu ne t’abreuveras pas. Tu plafonneras à zéro empathie et ta communication laissera à désirer. Le silence comme les mots justes te seront étrangers et en cas de désaccord, ton aptitude à faire la part des choses te sera compliquée.

 

 

 

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Ok, c’est pas toujours évident, et t’arrives aussi avec ton état d’esprit, tes propres petits problèmes et parfois, l’envie féroce de te monopoliser la conversation pour exister. Mais tu vois combien ce petit effort peut entraîner un effet boule de neige vertueux. Ta toute nouvelle ouverture d’esprit et tolérance risquent en fait de te faire voir la vie en vachement plus beau. Et ces échanges authentiques, t’apporter un sens fou. Celui qui éclot naturellement lorsqu’on se relie vraiment avec notre cœur, notre esprit et notre corps, à notre prochain !

 

Proverbe chinois : Le ciel nous a donné deux oreilles pour écouter et une bouche pour parler. Nous devrions donc écouter deux fois plus que parler

 

 

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Finalement, pour bien écouter l'autre, il suffit d'être convaincu de ne pas savoir grand chose et d'être... très fatigué  !!

 

Pied de nez



12/05/2016
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