Ès-tocade

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De la liberté et de la sérénité : les accords toltèques revisités

 

 

 

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« Il est liiiiibreue Max ! Y en a même qui disent qu’ils l’ont vu voler ! »

En relisant les paroles de la chanson de Cristiani, un waaaaah guttural m’a échappé. En fait, Maaaax il est libre parce qu’il n’est pas tributaire des contingences sociales, qu’il voit le monde avec clairvoyance, qu’il est résolument positif, ouvert et dans le lâcher prise, qu’il est dans son désir et écoute son intuition et qu’il n’est qu’amuuuuur. Mais en fait de liberté, il semble surtout avoir trouvé la paix

 

Hmmm, entre vœu pieux archi tentant et l’impression d’être prise pour une quiche, mon cœur balance… N’est-on pas ici en train de flirter avec un gigantesque leurre ?

 

 

 

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Car notre liberté individuelle, c’est-à-dire notre volonté consciente d’implémenter une action, ne serait-elle pas, en fait, totalement artificielle, circonscrite et vaine ? En effet, notre champ d’actions n’est-il pas en partie déterminé par notre vie en société (elle-même pétrie de lois, de conditionnements, d’éducation, itcitira) et largement compromis par nos passions et nos pulsions qui, en nous asservissant, annihilent souvent notre volonté la plus valeureuse et donc, notre liberté ?!

 

Allez Max, sois sympa, dis-nous comment t’en es arrivé là…

 

 

 

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Les enseignements de la tradition toltèque

 

Fin des années soixante, Carlos Castaneda fait découvrir au grand public les enseignements des chamans mexicains issus de la tradition toltèque. Ceux-ci ont pour objectif de permettre de discerner d’autres manières de saisir, de déchiffrer et d’éprouver la réalité.

 

En 1997, Miguel Angel Ruiz, un enseignant, chamane et auteur mexicain, surfe à son tour sur cette tradition en publiant un livre qui se vend rapidement comme des petits pains : Les quatre accords Toltèques. En 2010, jugeant qu’à ces quatre premiers accords manquait encore un supplément d’âme, il écrit et publie, en collaboration avec son fils, Le cinquième accord Toltèque.

 

But vat arrrre ze accords toltèques ?! Et à quoi peuvent-ils bien servir ?!

 

 

 

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La réalité n’est qu’une projection de notre esprit

 

Ruiz part du principe qu’en étant éduqués dans une société (peu ou prou) civilisée régie par des étiquetages duels tels que le bien ou le mal, le juste ou l’injuste, et faisant le panégyrique du devoir (tout ce qui est de l’ordre de la morale et du droit), on est nécessairement déterminés par les préceptes qu’on a si aisément réussi à nous faire entrer dans la tête.

 

De fait, nos croyances, notre perception du monde et l’idée que nous nous faisons des autres et de nous-mêmes sont, depuis le départ, totalement tronquées, ce qui engendre une distorsion de la réalité - telle que nous la percevons - et donc de notre vérité intérieure. On n’est pas celui qu’on devrait être mais celui que les autres attendent que l’on soit. Les fils des petites marionnettes que nous sommes sont donc articulés de main de maître par nos conditionnements et une image erronée de la réalité que nous entretenons par peur de la souffrance que génèrerait notre sortie des sentiers battus. On se cantonne à un tien vaut mieux que deux tu l’auras car tout remettre à plat pourrait fragiliser l’embarcation et la faire couler fissa.

 

Nous sommes donc en pleine allégorie de la caverne de Platon (petit rappel du cours de philo de terminale : on est enchaînés et immobilisés dans une demeure souterraine. On tourne le dos à l’entrée et on ne voit que nos ombres, ainsi que celles d’objets projetées au loin derrière nous. Comment, alors, accéder à la connaissance de la réalité ?).

 

 

 

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Passer des accords avec soi-même pour abolir ses croyances limitatives

 

Quelles seraient donc les étapes pour accéder à ce saint Graal ?

Pour voir la vie en beau, comme le clamait Baudelaire dans « Le mauvais vitrier », pour retrouver une forme de loyauté vis-à-vis de soi-même, pour se libérer a minima des circonstances sociales et de nos croyances limitatives, pour atteindre une forme assainie de nous-mêmes et la sérénité, il faut bien entendu commencer par en avoir envie (Lapalissade ?!), ce qui implique de surmonter notre peur du changement.

 

Une fois gagnés par l’intrépidité de gravir la montagne et par le courage de procéder à cette transmutation, il suffit, d’après Ruiz, de passer 5 accords avec soi-même visant à nous débarrasser de nos guenilles, à faire tomber nos masques émoussés et, in fine, à épurer notre vision et relation au monde.

 

 

 

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Apprivoiser l’animal instinctif pour libérer le roseau pensant

 

 

Accord number 1 : Que votre parole soit impeccable

 

Parlez avec intégrité, ne dites que ce que vous pensez. N’utilisez pas la parole contre vous ni pour médire d’autrui. 

 

L’idée, ici, est d’être intègre et de ne dire que ce que l’on pense. Hmmm, ça se complique à peine commencé ! En effet, petit récap de la définition d’intégrité : « L’intégrité est la motivation première à être conforme à ce que l’on est réellement. L’intégrité est donc le qualificatif donné à ce mécanisme de conformité à soi-même. »

 

Mais quelle magnifique fourberie de Ruiz-Scapin ! Why ? Ben Ruiz introduit son bouquin en affirmant qu’on vit dans le brouillard, qu’on n’est pas qui l’on pense être parce qu’on est le produit de la société, de nos parents, de notre éducation, toussa. Alors dans ce premier accord, on fait comment pour être intègre et conforme à soi-même (alors qu’on ne l’est pas au départ, d’après lui), et donc à ce qu’on pense (alors qu’on ne peut pas être sûr à 300 % de ce que l’on pense ‘réellement’ puisqu’on raisonne à partir de croyances limitatives et que notre inconscient, bien plus perspicace et juste, ne nous est pas accessible ?!!) ?

 

Là, Ruiz préconise que l’on prenne le temps de tourner notre langue 7 fois dans notre bouche avant de parler. Suggestion - certes - futée en toute circonstance. Mais dans la mesure où une grande partie de nos pensées ne nous est pas intelligible, ben... si ça veut pas, ça veut pas !

 

 

 

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Il ne faut pas non plus utiliser la parole contre soi ou contre les autres. Car les mots ont ce pouvoir de faire exister ce qu'ils invoquent. En positif (« tu es un magnifique satellite gravitant, telle une incantation, autour de mon extase inédite ». On visualise bien la scène, là, non ?). Comme en négatif (petite auto-flagellation : « je suis perfide, artificieuse, vaniteuse, curieuse et dépravée » (merci Musset). Je critique, je médis, je juge, je ragote, je culpabilise, résultat, ça se propage partout dans mes cellules. Et ça devient compliqué de s’en sortir, une fois arrivé là, nope ?).

 

Comment procéder alors ? Ennoblir le verbe pour cajoler notre esprit. Celui-ci ne s’ouvre alors plus que pour accueillir d’autres paroles impeccables tout en prenant l’habitude de se fermer lorsqu’il est confronté au verbe empoisonné d’autrui. Être à l’écoute de son discours intérieur (en saluant au passage notre meilleure amie la schizophrénie). Enfin, parler ni trop vite ni excessivement.

 

 

 

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Accord number 2 : Ne réagissez à rien de façon personnelle

 

Ce que les autres disent et font n’est qu’une projection de leur propre réalité. Lorsque vous êtes immunisé contre cela, vous n’êtes plus victime de souffrances inutiles. 

 

Ruiz annonce comme un charme que pour s’immuniser contre les projections des autres, il faut commencer par apprendre à se connaître, à s’aimer et à se faire confiance. Ce qui permettrait ensuite de faire la part des choses entre ce qui relève de l’autre et ce qui se rapporte à soi et ainsi, de ne plus être aussi affecté par l’autre.

 

Ca paraît vachement simple, dit comme ça. Mais y a quand même un petit problème… Parce que ce que requiert cet accord en guise de prélude – c’est-à-dire se connaître, s’aimer et se faire confiance –, c’est déjà l’histoire de toute une vie !! (Quoique… une fois enterré, on n’est de toute façon plus emmerdé par les autres)

 

Et ça se corse encore davantage dans le cadre d’une relation amoureuse. Comment ne pas en faire une affaire personnelle lorsqu’on sait que l’amour est, par essence, narcissique, et qu’il s’agit, en un perpétuel remugle, d’un aller-retour permanent entre l’autre, qui est partiellement lui et dans lequel on s’inscrit, et soi, en effet miroir, qui est « je » et l’autre à la fois ?

 

Comment procéder alors ? Se rappeler que le jugement de l’autre ne concerne que lui et non nous, qu’il juge. Son jugement est une projection de l’idée qu’il se fait de nous (et souvent également de son système de valeurs et de lui-même : le fameux transfert freudien) et ne s’applique pas à qui nous sommes réellement (ceci-dit à ce stade-là, ça n'a plus aucune importance puisqu'on l’ignore aussi !).

 

 

 

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Accord Number 3 : Ne faites pas de suppositions

 

Ayez le courage de poser des questions et d’exprimer vos vrais désirs. Communiquez clairement avec les autres pour éviter tristesse, malentendus et drames.

 

Le problème qu’identifie Ruiz, c’est qu’on n’a jamais toutes les clés d’une situation.

Exemple : Hollande n’a-t-il pas rappelé Trierweiler parce que : 1) il avait 'mariage pour tous' ; 2) il faisait une partouze au 49-3 ; 3) il souffre d’amnésie antérograde ; 4) il était éGayet à l'insu de son plein gré ; 5) il est décédé ??

 

Sauf qu’en échafaudant des hypothèses, celles-ci deviennent alors souvent des croyances (via le pouvoir du verbe, comme évoqué ci-dessus). Il paraît donc plus simple de poser nos questions à la source et de communiquer clairement les choses plutôt que de se faire des ulcères à partir de suppositions totalement bidons.

 

 

 

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Le hic, néanmoins, c’est que sans suppositions, hypothèses, scénarii, on ne philosophe plus, on ne cherche plus à comprendre les choses cachées derrière les choses, on exclut toutes les étapes permettant d’avancer dans la connaissance du monde et des autres. Car les hypothèses et les intuitions ne sont-elles pas à la source de toute recherche scientifique et humaine ? Enfermer les suppositions dans des tiroirs hermétiquement fermés ne reviendrait-il donc pas à exclure tout progrès de nos connaissances sur l’homo sapiens sapiens ? Mais aussi à écarter toute résolution d'enquêtes de police, à ne plus imaginer, à ne plus créer (de films, de romans…), bref, à rester campés dans la réalité – qui n’est elle-même toujours pourtant que le fruit de notre imagination-perception ?!

 

Alors certes, je jongle un peu avec le concept en le faisant passer du micro au macro (je vous vois venir sur macro, ispice di gros dégueulasses). Mais cela vaut aussi à un niveau plus personnel. Apprendre à connaître quelqu’un, c’est l’observer, le ressentir, le percevoir et au final, le supposer ! Et même s’il nous annonce éloquemment qu’on se goure totalement, on est toujours en droit de penser... qu’il se trompe sur lui-même !

 

Comment procéder alors ? Dans le doute, ne pas avoir peur de poser des questions plutôt que de condamner une personne pour des intentions qu’elle n’a jamais eues. La personne nous répondra bien ce qu’elle voudra (ou ce qu’elle pourra ?!) mais cela aura au moins le mérite de nous éviter de bâtir des châteaux en Espagne et de permettre une communication plus saine et libre.

 

 

 

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Accord Number 4 : Faites toujours de votre mieux

 

Votre ‘mieux’ change d’instant en instant. Quelles que soient les circonstances, faites simplement de votre mieux et vous éviterez de vous juger.

 

Faire de notre mieux, c’est n’en faire ni trop ni trop peu en fonction de ce que l’on estime être : notre humeur, nos capacités du jour, notre état à l’instant où l’on accomplit quelque chose. Ainsi, pas d’auto-jugement possible et pas de requête disproportionnée d’obtention d’un résultat immédiat (ce qui augmente notre contentement de l’action accomplie).

 

Hahaha... Et l’anguille sous roche, on est supposé en faire fi ?! Ruiz, tu sembles oublier ici que parfois, on s’auto-saborde tout seul ! Tu sais, les fois où l’on croit qu’on a super-super-super envie d’y arriver, qu’on va atteindre l’inaccessible étoile, c’est sûr, mais qu’inconsciemment, on fait tout pour échouer !!! Et c’est pas parce qu’on était un gros loser apathique ce jour-là : au contraire, on pétait la forme, on croyait même que rien ne pourrait nous résister ! Alors ça, on fait comment pour le contourner ?! Ah, mais j’oubliais, on est supposé - à la base - incarner un être de lumière qui s’adore, se connaît et se fait confiance...

 

Comment procéder alors ? Faire de son mieux, c’est accepter ses limites (du jour ou intemporelles), c’est agir en ayant préalablement correctement estimé nos capacités, ce qui permet de dépasser l’inaction et d’inscrire l’accomplissement dans le moment présent (sans le comparer au passé). C’est pouvoir être sans s’en demander ni trop ni pas assez.

 

 

 

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Accord number 5 : Soyez sceptiques, mais apprenez à écouter

 

Ne vous croyez pas vous-même, ni personne d’autre. Utilisez la force du doute pour remettre en question tout ce que vous entendez : est-ce vraiment la vérité ? Écoutez l’intention qui sous-tend les mots et vous comprendrez le véritable message.

 

L’écoute sert, ici, non pas à croire ce qui est dit mais à comprendre l’intention de notre interlocuteur. Pour cela, il faut faire confiance en notre vérité intérieure.

 

Eh ben voilà ! Une fois encore : pas de foi miraculeuse dans notre vérité intérieure, pas de chocolat. Par ailleurs, on a vu que notre vérité intérieure n’était, au départ, rien d’autre qu’une mutante inconnue et encrassée par les mille couleurs kaléidoscopiques de notre conditionnement. Alors certes, dans ce cas-là, ne pas nous croire nous-même ni les autres et toujours tout remettre en question, c'est finger in ze nose ! Mais ça nous éclaire d’autant moins sur le comment faire pour écouter l’intention sous-tendant les mots de l’autre puisqu’on est, par définition, un imbroglio sur pattes pourvu d’une écoute parfaitement imparfaite (voir  Sur écoute... mais personne ne l'entend de cette oreille !). Sans parler de la cerise sur le gâteau : la fréquente incapacité de l’autre (qui est bien sûr aussi la nôtre) à exprimer clairement le message voué à être décrypté et retranscrit en intention !!

 

Comment procéder alors ? On part du postulat qu’on a foi dans notre vérité intérieure (hahaha). En y étant attentif, on chasse 'naturellement' les faux dogmes, ce qui nous libère de tout jugement (aussi bien sur l’autre que sur nous-même(s)). Et en transcendant ainsi les paroles de l’autres, on parvient - évidemment ! - à l’intention de son message (re hahaha).

 

 

 

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Au final, les accords toltèques, ça sert à quoi – à part à nous embrouiller ?

 

Il va de soi que je me suis scrupuleusement attelée, ici, à déconstruire l’un après l’autre chacun des accords toltèques. Car dans les faits, Ruiz explique très clairement (et aussi simplement que ses accords sonnent comme des slogans) comment procéder à chaque étape. Alors en effet, si sa lecture requiert au départ une forme d’éveil et d’intérêt liminaire pour son contenu, ce recueil n’a néanmoins pas volé son succès : c’est tout simplement un puits de sagesse et in fine, de réelle sérénité pour celui qui (parvient à) les applique(r) !

 

Les accords nous apprennent en effet comment prendre de la distance avec les gens, les circonstances que nous rencontrons, les propos de notre entourage et à étudier chaque situation au cas par cas – plutôt que de vouloir leur coller une étiquette généraliste et limitative. Et les appliquer (imparfaitement, au début, obviously) ne peut que nous permettre de mieux vivre avec nous-mêmes et avec les autres et de gagner en authenticité, en liberté et en sérénité.

 

Alors, prêts pour le grand nettoyage des toiles d’araignée (nan, pas celles-là, les autres ;))

Parce que le changement, c’est (supposé être) maintenant !



23/05/2016
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